Habiller nos enfants sans tomber dans la mode jetable
Avez-vous l’impression que la gestion de la garde-robe de votre enfant est un emploi à temps plein? Entre les demandes de la garderie, de l’école, les saisons qui changent sans qu’on s’en rende compte et notre enfant qui étire et allonge encore plus vite, il peut nous arriver de magasiner du fast fashion en ligne ou en boutique pour gagner du temps. Mais est-ce possible de faire mieux pour la planète, aussi rapidement et à petit prix?

Par Maude Carmel
Les Décarbonés
Les effets de la fast fashion
Le fast fashion a bien mauvaise presse depuis quelques années dans les médias… avec raison! On dit « fast fashion » ou « mode jetable » parce que les boutiques de vêtements renouvellent les collections de manière si intensive que c’est insoutenable pour la planète. Par exemple, Zara lance une collection… chaque 15 jours (c’est plus souvent que le récurage de ma douche ou la tonte de mon gazon!) et produit 12 000 nouveaux design par an (1).
Oui, on peut acheter de la mode jetable pour enfants plus rapidement qu’il ne faut pour les endormir; oui, un cache-couche peut revenir moins cher qu’un casseau de framboises... mais cette facilité vient avec un prix : le salaire et les conditions dans lesquels les employés des usines travaillent, ainsi que les substances chimiques des textiles qui sont responsables d’environ 20 % de la pollution des eaux dans le monde (2). Le tissu de la robe-soleil de votre enfant a beau être doux et cute, sa fabrication l’est un peu moins.
Philippe Gendreau, enseignant et auteur du livre Mode jetable (3), soulève également un point important au sujet des marques que l’on affiche sur le dos des enfants, qui pourraient coller plus longtemps qu’on ne le pense : « C’est ce que les entreprises veulent : que le bébé porte une marque dès la sortie du ventre et crée avec elle un lien affectif qui durera dans le temps. Épingler régulièrement un enfant de logos, c'est le rendre vulnérable à la société de surconsommation dans laquelle on vit. » Autrement dit, un enfant habillé en panneau publicitaire a plus de chances de développer le syndrome du besoin de nouveauté à l’âge adulte.

Pourquoi tant de vêtements?
Un enfant possède 59 morceaux de vêtements dans sa garde-robe, selon le rapport Re-fashion, un organisme français (4). (Rien de neuf, Marie-Michèle Larivée) Pourquoi tant de vêtements? « D’une part, on vit dans une société où on a accès à tellement de linge facilement qu’on réfléchit après l’achat. On a perdu nos repères », scande Philippe Gendreau.
On fait quoi, alors? (Yay, des solutions!)
Selon le British Fashion Council, il y a présentement assez de vêtements sur la planète pour habiller les six prochaines générations. Il va sans dire qu’il y a suffisamment de vêtements déjà aimés dans les friperies du pays pour habiller nos enfants. « Oui mais à la vitesse où ils grandissent, j’ai pas le temps de chiner dans les friperies! », me direz-vous.
Lorsqu’on sait comment chercher et qu’on est bien organisés, ça peut prendre autant de temps, sinon moins, de choisir leurs habits seconde main. Voici quelques pistes :
- Magasiner du seconde main en ligne dans une application ou sur des réseaux sociaux. Les enfants portent leurs vêtements tellement peu de temps que les applications de vente de vêtements regorgent de lots à 20 $ jamais portés,et à petits prix, parfois même gratuits.
- Trouver un enfant ayant un ou deux ans de plus que le nôtre (né à la même saison) pour qu’il lui donne tous ses vêtements lorsqu’ils ne lui font plus. C’est ce que Marie-Michèle Larivée appelle « Les boîtes en cavale » : quand notre enfant ne rentre plus dans ses habits, on passe au suivant, sinon on brise la chaîne! D’ailleurs, mon fils porte tous les jours des vêtements anciennement portés par ses cousins, et c’est ce qui le motive à s’habiller le matin. Pour lui, c’est tellement normal de porter des vêtements provenant d’un autre enfant qu’il me demande tout le temps « il était à qui ce chandail, avant? Qui me l’a donné? »,et je trouve ça adorable.
- Soupers (ou brunch) d’échange de vêtements. Pourquoi ne pas joindre l’utile à l’agréable et inviter quelques parents avec des enfants d’âge différents à venir manger à la maison en apportant tous les vêtements trop petits qui traînent chez eux?
- Emprunter des vêtements! Personnellement, la majorité des vêtements de mon fils ont été prêtés à des amis qui ont eu un enfant 1 an après… et j’ai récupéré ces vêtements lorsque ma fille est née l’année suivante. (En plus ça m’a donné un endroit où stocker mes boîtes de vêtements entre mes deux bébés!)
La clé est de ne JAMAIS tenir un morceau de vêtement pour acquis, même s’il a coûté 2 $ à la friperie. C’est lorsqu’on achète sans se demander si notre enfant en a vraiment besoin qu’on perd le fil et qu’on oublie même de lui faire porter avant le prochain changement de saison. Classer les items par grandeur et saison AVANT ET APRÈS la période où l’enfant les porte est le meilleur moyen de ne pas perdre le fil et de redonner au suivant.
Dans son livre Rien de neuf, Marie-Michèle donne quelques trucs pour bien prendre soin des habits, question qu’ils aient le plus de vies possible, comme les laver à la main, les sécher à plat, toujours mettre une bavette à l’enfant lorsqu’il mange, agir le plus tôt possible lorsqu’il y a des taches ou même se munir de « patchs » pour réparer les déchirures aux genoux ou aux coudes. L’autrice ajoute que sélectionner des morceaux sans fermeture éclair ou élastique en mauvais état lorsqu’on magasine en friperie, ainsi que des marques qui ont fait leur preuve au niveau de leur durabilité nous garantissent une plus longue vie.

Le seconde main, est-ce que c’est sale?
Oui, les enfants ça vomit, leurs couches débordent, ça mange tout croche, ça se roule dans la boue… donc est-ce que le seconde main c’est salubre? J’ai pour mon dire qu’un vêtement pré-aimé, surtout s’il est encore en bon état, est plus sain et mieux lavé qu’un vêtement qui sort de l’usine. Pourquoi? Parce que les habits flambants neufs contiennent souvent des résidus chimiques liés à la teinture ou à l’antifroissage (une étude de Greenpeace, menée il y a 12 ans, a trouvé des produits nocifs dans 61 % des vêtements neufs pour enfants testés, dont 94 % de ceux ayant des motifs imprimé!) (5) Tandis qu’un seconde main a été lavé et entretenu avec amour, et contient donc moins de résidus chimiques.
Et si on veut acheter du neuf… on y va pour le local?
Ici, il faut mettre son radar d’écoblanchiment au max : plusieurs entreprises se targuent d’être locales, mais quand on gratte leurs étiquettes « fièrement québécois », on découvre que tous leurs vêtements ont été fabriqués en Asie. Malheureusement, il n’existe pas de certification pour garantir que toutes les étapes du processus de fabrication se sont déroulées localement. Il faut donc porter attention au vocabulaire utilisé et chercher le terme « fabriqué au Québec » et non pas « pensé » ou « designé », qui sont beaucoup plus ambigus.
Pour vous faire gagner du temps (ça fait partie de nos objectifs, après tout!), voici quelques idées de boutiques pour enfants réellement éthiques, dont les vêtements sont fabriqués en sol québécois :
-Rubis Pastel (évolutif, fait à la main, surcyclé)
-La petite ferme du mouton noir (coupes simples, évolutives, surcyclage)
-Zak et Zoé (vêtements en bambou, tissus canadien, fabriqué au Québec)
-Little Yogi (certifié biologique écocert, unisexe)
-Maémé (évolutif, fabriqué au Québec)
-Les goglus (Évolutif, fabriqué à la main artisanalement)
Donc, si vous décidez de magasiner du neuf pour vos enfants, ça vaut la peine de porter une attention aux textiles, car ils n’ont pas tous le même impact sur la planète. Par exemple, le lin et le chanvre sont des fibres qui nécessitent peu d’eau, parfois zéro pesticides et qui sont biodégradables. Le coton biologique peut être une belle option aussi, puisque lorsque réellement biologique (surveiller les labels comme GOTS ou OKEO-TEX), il est cultivé sans pesticide ou engrais chimique. En contrepartie, le polyester et le nylon sont à éviter, puisque ce sont des dérivés de pétrole, qu’ils libèrent des microplastiques et se dégraderont dans des centaines, voire des milliers d’années.

Sources
(1) GILLES LIPOVESTSKY. « Le bonheur paradoxal. Essai sur la société d’hyperconsommation », Éditions Gallimard, 2006 issu de: https://oxfammagasinsdumonde.be/des-vetements-de-seconde-main-pour-un-nouveau-mode-de-consommation/
(2) OXFAM FRANCE. https://www.oxfamfrance.org/agir-oxfam/impact-de-la-mode-consequences-sociales-environnementales/via https://archives.qqf.fr/infographie/59/la-mode-sans-dessus-dessous
(3) PHILIPPE GENDREAU. Mode jetable, Écosociété, 2025, 144 p.
(4) MARIE-MICHÈLE LARIVÉE. Rien de neuf, guide pour une consommation écologique, économique et engagée, Les Éditions de l'Homme, 2024, p. 2-24.
(5) https://www.greenpeace.fr/des-toxiques-caches-dans-des-vetements-pour-enfants/
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